Réponse : Oui, mais il devra en assumer les conséquences vis à vis de France Travail (ex Pôle Emploi).
L'article 2 de la loi n° 2022-1598 du 21 décembre 2022 a en effet modifié le Code du travail pour y insérer un nouvel article L. 1243-11-1 ainsi rédigé :
Lorsque l'employeur propose que la relation contractuelle de travail se poursuive après l'échéance du terme du contrat à durée déterminée sous la forme d'un contrat à durée indéterminée pour occuper le même emploi ou un emploi similaire, assorti d'une rémunération au moins équivalente pour une durée de travail équivalente, relevant de la même classification et sans changement du lieu de travail, il notifie cette proposition par écrit au salarié. En cas de refus du salarié, l'employeur en informe informe l'opérateur France Travail en justifiant du caractère similaire de l'emploi proposé.
Un décret en Conseil d'Etat fixe les modalités d'application du présent article.
Quel est l'objectif de cette loi ?
Avec cette loi, le Gouvernement a voulu sanctionner les salariés en CDD qui refusent de passer en CDI. Ces salariés "récalcitrants" se verront alors purement simplement supprimer leurs droits à l'assurance chômage.
Sous quelles conditions ?
Le législateur a prévu une procédure en quatre étapes pour aboutir à la suppression des droits à l'assurance chômage pour les salariés en CDD ayant refusé un poste en CDI.
1- Une proposition de l'employeur : Pour que cette procédure puisse s'appliquer, l'employeur doit tout d'abord proposer au salarié en CDD un CDI :
- Portant sur le même emploi ou un emploi similaire ;
- Assorti d'une rémunération au moins équivalente ;
- Pour une durée de travail équivalente ;
- Relevant de la même classification ;
- Sans changement du lieu de travail.
Un salarié travaillant à Lyon en qualité d'ingénieur sous CDD et gagnant 3 000€ mensuels ne pourra donc pas se voir supprimer ses droits à l'assurance chômage s'il refuse un poste de technicien à Niort avec une rémunération mensuelle de 2 000€.
La proposition de l'employeur devra (article R. 1243-2 du Code du travail) :
- Être écrite ;
- Être notifiée au salarié par LRAR, lettre remise en main propre ou par tout autre moyen donnant date certaine à sa réception ;
- Être notifiée au salarié avant le terme du CDD.
2- Un délai de réflexion pour le salarié : Au sein de sa proposition de poste en CDI, l'employeur devra mentionner au salarié qu'il lui accorde un délai raisonnable pour se prononcer sur la proposition de CDI.
L'employeur devra également lui préciser qu'à l'issue de ce délai de réflexion, une absence de réponse de sa part vaut rejet de cette proposition.
La loi ne précise pas la durée de ce délai raisonnable. Selon nous, une durée comprise entre 7 et 15 jours devrait pouvoir être considérée comme raisonnable.
3- L'information de France Travail : En cas de refus exprès ou tacite du salarié à l'expiration du délai raisonnable laissé par l'employeur, ce dernier devra informer France Travail de ce refus dans un délai d'un mois.
Cette information doit se faire par voie dématérialisée via la plateforme suivante : https://www.demarches-simplifiees.fr/commencer/refus-de-cdi-informer-francetravail
L'employeur devra alors adresser à France Travail un descriptif de l'emploi proposé et les éléments permettant de justifier que la proposition portait bien sur un emploi identique ou similaire, avec une rémunération et une durée du travail au moins équivalentes, ainsi qu'une classification et un lieu de travail identiques.
L'employeur devra enfin préciser à France Travail le délai qu'il a laissé au salarié pour se prononcer sur la proposition de CDI, et la date du refus du salarié ou d'expiration du délai.
4- L'information du salarié : Lorsque l'opérateur France Travail a reçu toutes les informations requises de la part de l'employeur, il en informe le salarié et lui précise les conséquences de son refus de CDI sur ses droits à l'assurance chômage.
Quelles conséquences pour le salarié ?
Le salarié en CDD qui aura refusé une proposition de poste en CDI répondant aux conditions précitées se verra supprimer ses droits à l'assurance chômage (article L. 5422-1 du Code du travail) si les deux critères suivants sont remplis :
- Deux refus de CDI ;
- Au cours des douze mois précédents.
Par exemple : un salarié sous CDD peut refuser une proposition de poste similaire en CDI sans risquer de sanction vis à vis de l'assurance chômage. Un salarié sous CDD peut même refuser deux propositions de poste similaire en CDI sans perdre le bénéfice de l'assurance chômage si ces deux refus interviennent à plus de douze mois d'intervalle (exemple : un refus en 2024 et l'autre en 2026).
Le salarié peut également éviter la suppression des droits à l'assurance chômage dans les deux cas suivants :
- S'il a été employé dans le cadre d'un CDI au cours des douze mois précédents ;
- Si la dernière proposition de l'employeur n'est pas conforme au projet personnalisé d'accès à l'emploi du salarié.
Quelques incertitudes...
En principe, cette réforme est entrée en vigueur le 1er janvier 2024. Toutefois, le règlement d'assurance chômage n'a pas encore été modifié pour intégrer cette réforme.
Il semble par ailleurs s'agir d'une procédure obligatoire pour l'employeur, comme en témoigne l'usage de l'indicatif dans le Code du travail ("il notifie cette proposition au salarié" ; "il en informe l'opérateur France Travail", etc.). Toutefois, aucune sanction en cas de défaillance de l'employeur n'a été prévue par le législateur ni par le pouvoir réglementaire.
Enfin, plusieurs syndicats de salariés (FO, CGT, FSU, Solidaires) ont attaqué cette réforme devant le Conseil d'État. Affaire à suivre...