12 mai 2025

Économie bienveillante vs. économie sociale et solidaire

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Le mirage de l'économie dite bienveillante

D'un côté du ring, l'économie "bienveillante". Cette économie se compose de sociétés commerciales capitalistes dont l'objectif premier est de réaliser des profits pour les reverser en dividendes aux actionnaires. Les incidences sociales, environnementales de leurs activités restent des sujets secondaires. Ces structures sont grandement majoritaires dans notre système économique actuel.

Conscientes que cet objectif premier lucratif est de moins en moins admis et vendeur dans notre société, ces structures cherchent à se donner une responsabilité écologique ou sociale, mais sans réel engagement ni modification de leurs pratiques internes. Il s'agit du greenwashing et du socialwashing.

France Info a récemment publié un article sur le sujet en prenant l'exemple de la société Smart Good Things qui prétend incarner l'économie dite "bienveillante"1. Or, il s'agit d'une commerciale tout à fait classique, qui vend des préparations en poudre pour boissons instantanées. La notion d'économie "bienveillante", non définie légalement, permet ainsi à cette entreprise (comme d'autres) de se parer d'un vernis éthique et solidaire, mais sans véritable contrôle.

Nous pourrions également aborder le sujet des sociétés à mission et de la raison d'être des entreprises. Introduites par la loi PACTE de 20192, ces notions permettent aux entreprises de se doter d'objectifs sociaux et environnementaux, qui sont cependant essentiellement déclaratifs et très peu contrôlés. Les entreprises de ce "capitalisme responsable" peuvent ainsi afficher des ambitions louables sans être tenues de les respecter concrètement. Par exemple, Danone s'est déclarée société à mission en 2020, mais des actionnaires ont évincé la présidence à l'origine de ce mouvement car les engagements environnementaux et sociaux étaient vus comme un obstacle à la maximisation des profits. Autre exemple plus récent : la société Nestlé Health Science, une filiale du groupe Nestlé - qui reconnaît que ses produits sont à 60% mauvais pour la santé3 - s'est déclarée société à mission.

Le courage de l'économie sociale et solidaire

De l'autre côté du ring se tiennent les structures de l'Économie Sociale et Solidaire (ESS). Ces structures sont encadrées par la loi du 31 juillet 20144, qui définit clairement :

  • D'une part, les structures susceptibles d'en faire partie, à savoir les associations, fondations, coopératives, mutuelles et sociétés commerciales de l'ESS
  • D'autre part, les trois principaux critères que ces structures sont tenues de respecter, à savoir :
    • Un but poursuivi autre que le seul partage des bénéfices (absence de lucrativité ou lucrativité limitée) ;
    • Une gouvernance démocratique prévoyant l'information et la participation des associés, salariés, et parties prenantes ;
    • Une obligation de consacrer au moins 50% des bénéfices à l'objectif de maintien ou de développement de l'activité ainsi qu'une interdiction de se partager ou de distribuer les réserves obligatoires.

Les sociétés commerciales de l'ESS, en raison de leur nature intrinsèquement commerciale et donc a priori strictement lucratives, doivent respecter d'autres critères légaux :

  • Obligation de poursuivre un objectif d'utilité sociale (soutien à des personnes en situation de fragilité, lutte contre les exclusions, éducation à la citoyenneté, préservation ou développement du lien social, etc.) ;
  • Obligation d'affecter au moins 20% des bénéfices au fonds de développement ;
  • Interdiction d'amortir ou de réduire le capital sauf en cas de pertes.

Ces obligations légales, certes bien plus contraignantes, garantissent toutefois une véritable éthique entrepreneuriale et permettent de mettre grandement en échec toute tentative de greenwashing ou de socialwashing.

Conclusion

Dans le match de l'authenticité, les structures de l'ESS ressortent clairement victorieuses. Elles gagneraient encore à être connues car de nombreuses personnes souhaitant lancer leur projet entrepreneurial ne sont même pas informées de l'existence de ces différentes structures.

Mais les structures capitalistes de l'économie "bienveillantes" ne s'avouent pas facilement vaincues. Au contraire, elles inventent de nouvelles pratiques pour tromper les consommateurs et les citoyens afin de les empêcher de faire un choix éclairé et maintenir leur situation de quasi-monopole.

Dans son roman devenu classique, Genzaburo Yoshino nous demande "Et vous, comment vivrez-vous ?". Il est désormais temps de vous demander "Et vous, qui soutiendrez-vous ?".

  1. https://www.francetvinfo.fr/enquetes-franceinfo/enquete-comment-tony-parker-s-est-reconverti-en-homme-d-affaires_7114284.html ↩︎
  2. https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000038496102/ ↩︎
  3. https://reporterre.net/Dans-un-document-interne-Nestle-reconnait-que-ses-produits-sont-mauvais-pour-la-sante ↩︎
  4. https://www.legifrance.gouv.fr/loda/id/JORFTEXT000029313296 ↩︎

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A propos

Maître Pastene est avocat au barreau de Lyon depuis 2014. Il intervient en droit de l'économie sociale et solidaire.
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