9 octobre 2023

Big bang sur les congés payés

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Par une série d'arrêts rendus le 23 septembre 2023, la Cour de cassation est venue bouleverser le droit français des congés payés, afin de le rendre conforme au droit de l'Union Européenne.

Première affaire : Congés payés et arrêt pour maladie "simple"

L'article L. 3141-3 du Code du travail dispose que "Le salarié a droit à un congé de deux jours et demi ouvrables par mois de travail effectif chez le même employeur". Par conséquent, les salariés doivent travailler pour acquérir des congés payés, et les périodes non-travaillées n'ouvrent pas droit à congés payés.

Par exception, l'article L. 3141-5 du Code du travail fixe une liste de périodes non-travaillées permettant au salarié d'acquérir des congés payés : congé maternité, de paternité et d'accueil de l'enfant, contreparties obligatoires en repos, congés payés, arrêt de travail pour maladie professionnelle ou accident du travail, etc.

Les périodes d'arrêt de travail pour maladie "simple" ou accident non-professionnel ne figurent pas dans cette liste et ne permettent donc pas au salarié d'acquérir des congés payés (sauf accord collectif contraire). Concrètement, le salarié en arrêt de travail pour maladie non-professionnelle pendant un an acquiert donc zéro jours de congés payés sur cette période.

Mais ça, c'était avant. Dans son arrêt (n° 22-17.340), la Cour de cassation écarte partiellement l'application de l'article L. 3141-3 du Code du travail, et juge que le salarié peut prétendre à ses droits à congés payés pendant la période d'arrêt de travail pour maladie non-professionnelle.

Les employeurs vont donc devoir modifier leurs pratiques au plus vite pour éviter autant que possible les contentieux prud'homaux. Les salariés ayant été absents pour maladie "simple" pourront quant à eux solliciter les congés payés afférents à cette période.

Deuxième affaire : Congés payés et arrêt pour accident du travail ou maladie professionnelle

Comme cela l'a été rappelé, l'article L. 3141-5 du Code du travail dispose que les périodes d'arrêt de travail pour accident du travail ou maladie professionnelle (AT/MP) sont assimilées à du travail effectif et permettent ainsi d'acquérir des jours de congés payés.

Il existe toutefois une limite à ce principe : ces périodes d'arrêt de travail pour AT/MP sont prises en compte "dans la limite d'une durée ininterrompue d'un an" (sauf accord collectif plus favorable).

Concrètement, un salarié en arrêt de travail pour accident du travail pendant deux ans acquiert :

  • 30 jours ouvrables de congés payés pendant sa première année d'arrêt ;
  • 0 jours ouvrables de congés payés pendant sa deuxième année d'arrêt.

Mais ça, c'était avant. Dans son arrêt (n° 22-17.638), la Cour de cassation écarte partiellement l'application de l'article L. 3141-5 du Code du travail et juge que le salarié peut prétendre à ses droits à congés payés au titre de l'intégralité de sa période d'arrêt de travail pour AT/MP.

Là-encore, les employeurs vont devoir prendre en compte cette décision au plus vite pour l'ensemble de leurs salariés en arrêt de travail pour AT/MP. Les salariés ayant été absents pour AT/MP pourront quant à eux obtenir des jours de congés payés au titre de l'intégralité de cette période.

Troisième affaire : Prescription des congés payés

Selon l'article L. 3245-1 du Code du travail, "l'action en paiement ou en répétition du salaire se prescrit par trois ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer". Tous les éléments de salaire sont donc soumis à une prescription triennale, et la Cour de cassation a déjà jugé dans un arrêt du 16 décembre 2015 que l'indemnité de congés payés a le caractère de salaire.

Le point de départ de cette prescription ("à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dpu connaître les faits lui permettant de l'exercer") est un point de départ qualifié de flexible, voire de subjectif. La Cour de cassation, dans un arrêt du 14 novembre 2013, a fixé ce point de départ "à l'expiration de la période légale ou conventionnelle au cours de laquelle les congés payés auraient pu être pris".

Exemple : En 2021, un salarié a acquis 30 jours de congés payés. L'entreprise dans laquelle il travaille a fixé la période de prise des congés payés suivante : du 1er mai au 31 octobre 2021. Ces 30 jours de congés payés seront donc prescrits trois ans après l'expiration de cette période, soit le 1er novembre 2024. À compter de cette date, le salarié aura définitivement perdu ses 30 jours de congés payés.

Mais ça, c'était avant. Dans son arrêt (n° 22-10.529), la Cour de cassation juge désormais que le délai de prescription ne commence à courir que si l'employeur justifie avoir accompli les diligences qui lui incombent afin d'assurer au salarié la possibilité d'exercer effectivement son droit à congé.

Concrètement, cela signifie que si l'employeur ne respecte pas ses obligations en matière de prise de congés payés (exemple: aucune information du salarié sur la période de prise des congés payés), le délai de prescription ne commence pas à courir et le salarié qui n'a pas pris ses congés payés peut faire "remonter" sa demande de rappel de congés payés sans limite de temps.

Dans l'affaire jugée par la Cour de cassation, la salariée a ainsi pu faire remonter sa demande sur dix ans en arrière !

Quatrième affaire : Congés payés et congé parental

Jusqu'ici, selon la Cour de cassation (Cass. Soc., 28 janvier 2004, n° 01-46.314), un salarié qui partait en congé parental et qui n'avait pas pris l'intégralité de ses congés payés avant son départ ne pouvait pas reporter ses congés payés au terme de son congé parental. Il ne pouvait pas non plus obtenir une indemnité de congés payés.

Mais ça, c'était avant. Dans son arrêt (n° 22-14.043), la Cour de cassation juge désormais que les congés payés acquis lors du départ en congé parental doivent être reportés à la date de reprise du travail, car le salarié s'est trouvé dans l'impossibilité de prendre ses congés payés en raison de l'exercice de son droit au congé parental.

Concrètement, un salarié qui bénéficiait de 25 jours de congés payés avant son départ en congé parental, et qui part en congé parental du 1er octobre 2023 au 1er octobre 2024, pourra prendre ses 25 jours de congés payés à son retour dans l'entreprise en 2024.

Conclusion : Sous l'influence du droit de l'Union Européenne, la Cour de cassation modifie en profondeur le régime juridique des congés payés, au bénéfice des travailleurs. Une augmentation des contentieux sur les congés payés est à prévoir !

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A propos

Maître Pastene est avocat au barreau de Lyon depuis 2014. Il intervient en droit de l'économie sociale et solidaire.
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